Le buisson ardent

L'eau

Dans certains pays tropicaux pousse un arbre en forme de roue de paon, le Ravenale. On l'appelle aussi arbre du voyageur : à sa base demeure toujours un peu d'eau.

Ainsi au fut du premier pilier, s'offre une conque. Que le voyageur s'en purifie. Qu'il y puise fraîcheur et jeunesse. Une eau l'attend : elle le lavera des souillures qui font la vieillesse. Cette conque est eau de jouvence. Eau du repos, eau du repos d'avant les temps : l'Esprit y a miré son ombre.

Eau plane, plane et rase ! Eau calme et chaste ! Cette eau, il lui a été donné puissance de faire naître une vie nouvelle, que sous sa bénédiction le tronc desséché reverdisse.

L'eau, mon fils, t'attend aux portes de l'église. Pense aux points d'eau qui jalonnent la route des hébreux au désert. Cette eau, contre le pilier, elle est l'eau sortie du rocher au heurt de Moïse, l'eau jaillie à la droite du temple et pour tes péchés l'eau jaillie à la droite de Jésus sous le coup de lance qui perça son cœur.

Eau miraculeuse et telle que la Mer Morte elle-même regorgeant de poissons. Eau royale, marquée du chrême elle aussi. Mystère de l'eau, plus que tout élément mêlée au mystère de notre salut. Eau marquée du Christ, eau christifiée par le  chrême, eau de notre baptême si proche de cette eau que nous tend la conque. Mon fils, y penses-tu, quand d'une main inattentive tu en humectes ton front ?

Eau séparée par le souffle de la nuit pascale, eau séparée comme la Mer Rouge et le Jourdain, eau primitive, témoin des eaux de la Création. Quatre fleuves, un par horizon bordaient de leurs eaux le paradis.

Sache la noblesse de cette eau. Vénère-la : elle délivre des idoles. Voyageur, voyageur, voici l'étape et le Maître de Maison comme à la Cène t'accueille. Il a ceint le tablier. Il a pris l'aiguière et la cuvette. Non, Pierre, ne  proteste pas.

Nous avons vu des fleuves tropicaux. D'une houle aux cent souffles, ils exfolient les continents. Nous avons vu des rizières et les paysans dans la surface lumineuse repiquant des touffes. Nous avons vu des fontaines dans des jardins désaffectés, leur chant disait même la joie. Nous avons vu rades avec des rocs couverts de fleurs où criaient des singes. Ce n'était qu'image de ces quelques gouttes d'eau. Dans une vasque un peu moisie (ce cerne vert) : l'eau jaillie du temple à ton côté Christ, l'eau de la Grâce.